/index.php/2007/10/22/journalisme-multimedia-un-metier-a-re-enchanter/internet-fig11.gifC’est un beau pavé dans la mare qu’a jeté sur son blog, Ecosphère, Emmanuel Parody, chargé Business Developpement et de l’innovation aux Echos. Invité à la  leçon inaugurale du CFJ (Centre de formation des journalistes), dont l’intervenant d’honneur était Francis Pisani, Monsieur Transnets, Emmanuel a découvert que la majorité des apprentis journalistes (Bac +4, grandes écoles, etc.) avait une culture numérique frisant le 0 et une méconnaissance totale des enjeux attendant la presse de demain. Morceaux choisis.

«“Qui utilise les flux RSS, Del-icio-us, Digg.com?”
Pour chacun de ses services pratiquement aucun doigt ne se lève! Derrière moi, une étudiante me demande de lui épeler D-I-G-G. Stupéfaction. A y réfléchir je ne suis pas du tout étonné du manque de notoriété d’un Del-icio-us, dont on oublie vite que l’interface ésotérique et la philosophie en ont fait depuis le début un instrument d’initié aux arcanes de la tagologie. Idem pour Digg.com pourtant plus accessible, mais qui reste aussi le joujou d’une communauté de geeks. Ne pas le connaître indique pourtant une sévère méconnaissance du débat sur les nouveaux medias et ses services emblématiques. La méconnaissance du RSS, en revanche, m’inquiète tout autant qu’elle me confirme la faible pénétration de son usage. Elle m’inquiète car elle est la clé permettant de comprendre le fonctionnement du nouvel écosystème de l’édition en ligne.
 
 “Qui utilise Skype, Facebook, Myspace?”
Quelques doigts se lèvent, on respire. Quelques doigts seulement sur cinquante. Les étudiants étrangers en particulier utilisent Skype. Connaissent-ils sans les utiliser ou ne les connaissent-il pas? On ne le saura pas. La nuance laisse pourtant s’ouvrir un abîme au sein d’une génération. La crise de la presse est aussi une crise des usages. Comment envisager de reconstruire notre industrie si les nouveaux usages restent inconnus? Frisson.»

Et sourire de ma part. Formateur multimédia depuis quelques années, je n’ai fait qu’observer cette absence de web-culture chez les étudiants. La presse écrite c’est 20 minutes, Métro. Le Net ? Yahoo, MSN ? Le podcast, le RSS ??? «Ah ouais … !». Les blogs ? « C’est pas fiable, c’est pour les jeunes, c'est pas de l'info ».
Dur à encaisser pour la génération ORTF qui a grandi avec trois chaînes en noir et blanc et sans ordinateur ! La réalité est là. Les outils de demain font partie du quotidien d’une génération qui ne les utilise que comme des outils de confort, de services (chat, mail) de divertissement, point à la ligne.
Avec les étudiants étrangers, confrontés à la censure, souffrant souvent d’un manque d’ouverture au monde, c’est différent. Le Net, c’est la liberté, la possibilité de s’exprimer, de braver les interdits, de s’informer et d’informer. Si chez nos petits Français, il y a une crise d’usage, c’est parce qu’il y a une crise d’envie, un comportement de privilégiés  n’arrivent plus à s’émerveiller devant les outils formidables dont ils disposent.
Face à cela, le rôle des formateurs en journalisme multimédia ne devrait-il pas être de commencer par ré-enchanter le métier de journaliste, de revenir sur les fondamentaux du métier, de faire naître l’envie de découvrir, de surfer, de tester, d’acquérir des  techniques qu’il faudra constamment entretenir, développer ?
Peut-on également enseigner le journalisme multimédia sans enseigner le sens du web design ? Sans aiguiser le regard des futurs journalistes multimédia sur ce qui est beau, porteur de sens graphiquement et sémantiquement ?
Pour cela, il faudrait encore que les écoles qui forment les journalistes multimédia de demain encouragent la mise en place d’ateliers web permanents permettant aux étudiants de tester, de mettre la (les) mains dans le cambouis. Une espèce de fabrique virtuelle, un lieu de création, d’échanges et d’apprentissage où l’apprenti journaliste pourra s’enrichir et devenir force de proposition lorsqu’il intégrera une rédaction web.
 
Reste à être vigilant, à former des gens compétents qui ne soient pas pour autant des journalistes hybrides : reporter, développeur, animateur de communautés pour aboutir sur le Net à une uniformité des contenus et des supports comme on le constate dans la PQR où les journalistes orchestres n’ont plus le temps d’exercer leur métier premier qui est d’informer.
 
Face à cela, je partage les conclusions de la déclaration du World journalism education congress qui s’est tenu en juin 2007 à Singapour :

 « Journalism should serve the public in many important ways, but it can only do so if its practitioners have mastered an increasingly complex body of knowledge and specialized skills. Above all, to be a responsible journalist must involve an informed ethical commitment to the public. This commitment must include an understanding of and deep appreciation for the role that journalism plays in the formation, enhancement and perpetuation of an informed society.»

 
:: A lire en complément sur reporter.fr : The software skills needed to survive in journalism ::

 

Illustration : interstices.info 

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